une coréalisation Les Déchargeurs et PSK Productions

Texte, mise en scène et jeu – Lionel Cecilio

Chorégraphies – Sylviane Bauer-Motti

Lumière – Johanna Boyer-Dilolo

Costumes – Flavie Silvestre

Musique – Lucien Pesnot

Décors – Jérôme Tomray

Photo – Ludovic Baron

La presse en parle. Beaucoup trop élogieusement pour que mon esprit contestataire ne veuille y mettre son grain de sel. Que va-t-on encenser un spectacle de manière quasi-hagiographique, me dis-je. C’est donc avec un à-priori négatif que je me rends à l’événement. Après tout, je suis un vieux con de 32 ans. Et je me demande ce qu’un autre vieux con, de 36 ans, lui, peut bien dire à son public pour ainsi le conquérir.

 

J’arrive à l’Essaïon Théâtre pour assister au Voyage dans les mémoires d’un fou, écrit, joué et mis en scène par un seul homme, Lionel Cecilio. Mais l’artiste en a manifestement décidé autrement. Il semble déterminé à m’offrir bien davantage qu’un spectacle. Je sens d’emblée qu’il s’agira d’une confession des plus édifiantes. Elle sera donnée dans le secret d’une voûte de pierres qu’abrite le sous-sol de Paris. La pensée ainsi transmise sera urgente, fondamentale. L’ouvreur affiche un sourire aussi complice que malicieux. Il sait, en ouvrant la porte qui donne sur les entrailles de la capitale, que nous ne serons plus les mêmes si nous parvenons un jour à sortir de cette salle.

 

« Jai envie de kidnapper mes spectateurs. » me confie Lionel dans l’heure suivant la représentation et dans la cordiale intimité d’un café. Il a réussi, le bougre ! Lorsqu’il m’explique qu’il a « juste envie de dire ces choses aux gens », je repense à la claque culturelle que je viens de prendre. Dire. Mais dire vraiment ! Avec la sincérité de ceux qui savent encore aimer. Il l’a fait. Et c’est bon.

 

J’entre dans la pièce. Je ne suis pas seul, d’autres curieux m’accompagnent. Nous nous laissons envelopper par la douceur d’une mélopée jouée au violoncelle tout en nous installant. La scène nous est déjà dévoilée, elle présente un décor sobre et tripartite. Un lit à cour, une chaise pour enfant au centre (ainsi qu’une porte au fond de la scène), un bureau à jardin. Ce dernier retient toute notre attention. Un encrier ouvert et sa plume, prête à noircir le papier, y trônent fièrement à la lueur d’une bougie. Va-t-il entrer, cet homme que l’on attend, que l’on dit « fou » et qui nous livrera ses confessions ?

 

Et puis il entre, le malade. Fou, il n’en a pas l’air, mais malade, c’est certain. Est-ce le funeste diagnostic médical qui nous permet de le comprendre, ou bien la douleur morale de voir le monde et ses merveilles touchées par les vicissitudes d’une « société qui éteint les âme » ? Toujours est-il qu’il s’agit d’un condamné et qu’il s’attelle à l’écriture de mémoires comme il appliquerait scrupuleusement les prescriptions de son médecin.

 

Si la scénographie tend vers une épure nécessaire, l’homme que voici, lui, est riche. Riche par la parole ; puisque sa pensée est dense, sa syntaxe maîtrisée, sa rhétorique irréprochable. Riche en mouvements ; puisqu’il glisse d’un espace scénique à l’autre avec l’adresse d’un danseur. Grâce à l’astucieux mariage de la lumière, de la musique et du texte, ses propos sont littéralement chorégraphiés, millimétrés. Le rythme est jouissif. L’homme vagabonde d’un personnage à l’autre au gré de sa rédaction, ce qui donne à voir des transitions cinématographiques au sein desquelles les registres s’enchaînent dans un ballet de ruptures. Tout est juste ; de l’amorce des répliques jusqu’à leur point final en passant par l’acmé du ton ainsi que de la modalité. C’est techniquement parfait et l’on n’a même pas le temps d’y penser tant l’intrigue nous emporte avec elle dans la fulgurance de l’humour, dans l’impromptu de la souffrance, dans les saveurs d’une histoire universelle et intemporelle. Ce que nous dit cet homme est naturel, logique, intense, passionnel et nécessaire. Les aphorismes pleuvent. Faut-il vivre ou écrire ? On se pose à peine la question que, depuis la scène, l’homme hurle à qui veut l’entendre : « Le poète est prophète ! » Alors on pense finalement, tel un unique élan : Vivrécrire ! Et c’est ainsi que l’on boit les paroles bienfaisantes distribuées par un évident art de la formule capable de résumer l’éducation, l’instruction, la religion, l’autorité des réactionnaires, la morgue religieuse… avec une moquerie pleine d’humour et de tendresse. Si vous souhaitez voir Einstein converser avec Dieu, si vous vous demander comment un boxeur peut-il bien philosopher au point de trouver l’impossible définition de l’art, si vous croyez qu’un raisonnement aux ramifications arborescentes peut changer le monde… alors l’acuité sociale et la sensibilité hors normes de ce spectacle sont faites pour vous !

 

Pour aller plus loin…

 

Lionel s’alimente chez Gustave Flaubert, cite Jean-Claude Van Damme, questionne Albert Dupontel ou Gad Elmaleh dans leurs techniques, et, entre les lignes, croise parfois un fantôme influent nommé Guy de Maupassant. L’énergie de cet artiste ouvre des horizons exempts de cloisonnement, exempts de discrimination. De l’amour à l’état pur dans un syncrétisme absolu ! Le profane côtoie le sacré et lui donne des leçons dans « une prière païenne » au nom de la vie. Et puisqu’il faut du feu sur scène, l’artiste joue littéralement avec sa bougie, tel un objet liturgique laissé là, sur son bureau d’écrivain sans plus de foi qu’en l’amour de ses proches. N’oublions pas que « le feu du rationnel doit être alimenté chaque jour. »

Entretien LHP avec Lionel Cecilio – photo de David Twist

Qui est Lionel Cecilio ?

 

On découvre un homme à la rhétorique aussi développée que sur scène et dont le lyrisme naturel rayonne manifestement depuis toujours. Si le sport (football) ou des études de Droit auraient pu l’aiguiller vers une toute autre carrière que celle d’artiste, ce sont les cours d’improvisation théatrale suivis dans l’école des Enfants Terribles (Paris XXème) qui auront eu raison de sa passion.

 

Les phrases marquantes de notre entretien :

 

« Visuellement, je souhaitais un spectacle qui relève de l’orfèvrerie. »

 

« La maladie est un levier pour celui qui se positionne en spectateur du monde. »

 

« Il n’est pas possible de se satisfaire d’un rire s’il ne veut rien dire. »

 

Ce que retient La Hart Poétique :

 

Lionel Cecilio est un artiste à ce point empreint de largesse, au propos si fondamentalement juste, que si l’on a le cœur déchiré lorsqu’il quitte la scène, c’est également le cas lorsqu’un échange informel se termine. La très grande qualité de son écriture peut cependant nous accompagner à la maison, se savourer encore et encore et même se partager, puisque la pièce est disponible chez iPagination éditions  (version ebook ou version papier) !

JEU-CONCOURS

 

Grâce à notre partenaire PSK Productions, gagnez 2 places pour un Voyage dans les mémoires d’un fou en répondant à la question suivante sur nos pages Facebook ou Instagram :

 

Dans quel arrondissement de Paris se situe l’Essaïon Théâtre ?

Facebook Instagram

INFORMATIONS PRATIQUES SUR LES REPRÉSENTATIONS

  • du 25 avril au 15 juin 2019 (relâche le 9 juin)
  • les jeudis, vendredis et samedis à 21h15
  • à partir de 8 ans
  • réservations au 01.42.78.46.42 ou ici

Yann Frey

Retour en haut